jeudi 30 septembre 2010

Retour vers le futur...












C'est un couple qui ressemble à n'importe quel couple. La femme, elle est jolie, même très jolie, même pas maquillée sur une table d'accouchement. Le mec, il est pas mal non plus, un peu espagnol et un peu stressé aussi. C'est normal d'être stressé, dans très exactement deux heures il n'aura plus seulement une voiture et un chien, il aura aussi un fils qui fera pipi, caca, areuh et ouin. Alors forcément, ça doit probablement le retourner un peu de penser à des choses comme ça.

Pour le moment, il se contente de vaporiser de temps en temps le visage de sa bien aimée, en lui murmurant des mots d'encouragement à l'oreille. Entre les contractions, elle se calme, elle respire, elle parle. Elle nous raconte la chambre du bébé, le magnet derrière la voiture et le siège auto installé depuis deux jours. Elle parle pour combler le vide parce qu'elle a peur, un peu. Mais elle est quand même obnubilée par ça, ne peut s'empêcher d'imaginer le moment magique où elle pourra le tenir dans ses bras. Pour le moment, elle s'inquiète aussi un peu. " Tu regarderas pas, hein ?" qu'elle lui dit.

Et puis il a oublié l'appareil photo dans la voiture, alors, comme elle le supplie, il part en courant. Il dit qu'il n'est pas garé loin, qu'il faut qu'elle l'attende. Il doit y aller deux fois, parce que la première, il n'a pas regardé dans le sac noir qui est sur la banquette arrière, à côté du cosy. Je vous le disais, il est un peu stressé. Et puis, il revient enfin, tout essoufflé et tout rouge, et cette fois il était temps parce que c'est bel et bien l'heure. La pauvre, elle n'a pas pu avoir de péridurale parce qu'elle est arrivée trop tard, alors elle douille. Entre deux contractions, elle souffle, et elle nous dit d'un air un peu abattu : "Bon, aller, on va pousser". Le papa, il est à fond, et à deux doigts de tomber dans les pommes. Il lui tient la main et il lui dit "Aller, on pousse ! On pousse ! Tu es la meilleure ! Aller pouuuuuusse ! Ouiiii !" et il pousse, pour lui montrer qu'il l'accompagne jusqu'au bout. ça me donne envie de rire, et c'est un peu émouvant aussi. Quand la première mèche de cheveu apparaît, il a déjà les larmes aux yeux. La maman, elle, commence à faiblir. C'est que ça a vraiment pas l'air agréable, d'accoucher. Limite on a envie de pousser pour elle, pour l'aider un peu. Et puis ça dure un peu, pas si longtemps mais je suppose que quand on a l'impression de se déchirer de l'intérieur, les minutes doivent passer relativement lentement. Elle n'en peut plus, ça se voit. Mais elle continue (de toute façon pas trop le choix.)

Et puis, ça y est. Enfin. La tête sort, et puis l'épaule, et puis le corps.

Et c'est là que le miracle se produit. Elle a tout oublié, toutes les misères qu'elle a eu. Tout ce qui compte pour elle, c'est le bonheur merveilleux de serrer son bébé qui était encore en elle une minute auparavant.

"Oh mon amour, tu es si beau !" Et le néo-Papa, qui répète d'un air hébété :"mon fils... mon fils"

"Oh Chéri ! C'est quand même incroyable, vraiment incroyable qu'on soit capable de faire quelque chose d'aussi beau ! Tu ne trouves pas ?"

"Oh oui, c'est incroyable. Et c'est incroyable comme je t'aime. Oh là là, qu'est ce que je t'aime !"

Le papa lève son visage inondé de larmes pour me tendre l'appareil photo. Et moi, toute pleine de larmes aussi, je m'improvise photographe.Et le bébé, il est médusé et regarde autour de lui avec ses grands yeux noirs en se demandant dans quel drôle de monde il a bien pu atterrir.

Et devant ce tableau du parfait amour, on est cinq pauvre gus à sangloter dans une salle d'accouchement. Eux encore c'est normal parce que c'est leur vie et en toute honnêteté il n'ont pas l'air de l'avoir trop ratée, mais nous, franchement on a l'air un peu débiles.

Mais rien que pour un moment comme ça, on se dit qu'on fait quand même un métier génial.

Et puis, peut être que ça nous permet de vivre un peu par procuration, aussi ? *


"Tu en es là. Tu décides que le temps de l'éternelle adolescence est fini et qu'il est temps de grandir. Et tu grandiras. Et alors tout change. Et cette fois, les choses vont changer. Tu auras une maison plus grande, une piscine, un garage double et une pelouse toujours impeccable. Un patio fleuri et de belles plantes vernies. Un chien que tu appelleras Marx et un bateau que tu baptiseras Julia. Tu auras une assurance santé, une assurance vie, un réfrigérateur toujours plein pour ne pas te sentir pauvre, et des fenêtres qui laisseront toujours entrer le soleil. Et alors tu auras une famille heureuse, deux enfants en bonne santé, et elle, tu l'auras elle, qui te rappelleras toutes les belles choses que tu auras eu. Ce n'est pas ce dont tu as toujours rêvé ?"

(Juste un baiser, 2001)

5 commentaires:

J' a dit…

Bravo, j'ai envie d'avoir un bébé maintenant ! inutile de préciser que ce n'est pourtant pas le moment...

Nyctalopia a dit…

Oh Juuuu !!!! comme je suis contente de te voir ! cela faisait très exactement 2 mois et 5 jours que je n'avais pas eu ce petit pincement au coeur en voyant : vous avez des commentaires. Hiii !

Pour ce qui est de ton problème... D'ici deux trois ans je suis sûre qu'il sera résolu :)
Mmmm, par contre un bébé d'origine bretonne et portugaise, je ne sais pas trop ce que ça donnerait ^^...

J' a dit…

Une galette à la brandade ?

Norma Jean a dit…

J'ai vraiment très envie que tu assistes à mon accouchement, je suis sûre que cela te permettrait d'avoir un regard tout à fait neuf sur le fait de donner la vie.
:)

Norma Jean a dit…

ps: J', j'adore ta blague !