lundi 15 février 2010

Un week end au milieu de nul part... ou «Retour à la Source»

















Il est de la nature de l'être humain de considérer que les choses ont été, et resteront semblables à ce qu'il a toujours connu. D'ailleurs, depuis l'enfance, nous avons tendance à exclusivement considérer nos parents comme LES Parents, dont le seul but, mieux, sacerdoce de leur vie de Parent, aura été de combler d'un amour sincère et spontané leur progéniture qui s'éveille en hurlant à trois heures du matin, ou qui déclare d'une voix ensommeillée : "Maman, j'ai vomi."
 
Ainsi, difficile pour un enfant de trois ans d'imaginer que la vie du Parent ne se limite pas à une quête sans trêve de fesses propres et de biberon chaud.
Pourtant, à l'âge adulte, même si ce ressenti se dissipe, il reste tout de même inconsciemment présent. Il paraît chose normale pour un individu de considérer les éléments vécus comme inédits et exclusifs, je dirais même que c'est probablement une programmation du cerveau humain d'être naturellement un peu égoïste, afin de favoriser la perpétuité de l'espèce.

Je suppose qu'il est donc normal d'avoir du mal à adopter une connaissance objective de la vie telle qu'elle était avant notre ô combien importante apparition sur terre, dans un premier temps de par le flou des éléments passé tel qu'ils en deviennent presque autres, mais aussi de par la difficulté à être témoin opportuniste d'un récit des temps jadis.

Nous étions donc tous réunis autour de la table en bois massif de cette grande maison de campagne, le temps semblant arrêté. Les discussions papillonnaient au rythme du feu qui crépitait dans la grande cheminée de pierre, et chacun se laissait envahir par cette torpeur presque enivrante d'un estomac comblé, tout en laissant ses sens absorber avec délice l'odeur du bois qui brûle et de la pomme chaude.

C'est dans cette atmosphère un peu confinée que, je ne sais plus de quelle manière, les discussions se portèrent sur « Avant ».

Il est décédé lorsque j'avais sept ans, et le souvenir que je garde de lui est celui d'un homme jovial, gentil, toujours souriant, qui m'enregistrait les saisons de planète Noël à la télé pour pallier à mes lacunes culturelles, et qui criait « atchikatchikatchik, aie aie aie », lorsqu'il voulait porter un toast. Je sais aussi qu'il aimait dessiner, j'ai d'ailleurs conservé certaines de ses œuvres dans le fond d'une boite digne d'une boîte à secrets. Une autre chose que je sais de lui, c'est qu'il aimait écrire.

Je trouve ça dommage que l'intelligence ne soit pas héréditaire.

Malgré tout, il m'est agréable de penser que je fais partie de la descendance de quelqu'un qui a laissé une trace de par son esprit et sa spiritualité, sa culture et son savoir. Enfin, c'est peut-être dérisoire, mais moi, ça me réconforte de savoir que coule dans mes veines le sang d'un homme dont l'intelligence est regrettée de tous.

Je retrouvais un chapitre qui lui était destiné, dans un livre «Bâtisseurs de l'impossible ». Après une page autobiographique emprunte de moultes détails sur lesquels je ne m'arrêterai pas, le chapitre se termine sur des notes plus personnelles : « On apprécie sa culture : «linguiste distingué, se souvient l'ancien secrétaire général, on recherchait également sa compagnie pour sa volubilité naturelle ». Il était comme ça, Marcel... Entièrement disponible pour la collectivité, l'engagement humaniste... Il est parti un jour d'été bien avant son tour en laissant à ses amis un recueil de poèmes. Il est parti en empruntant la :

« ruelle des rêves en tunnel

où un cheval d'orgueil,

à la poursuite d'une dulcinée... »

De fils en aiguilles, j'appris donc que bien que je sache déjà que mon grand père aimait écrire, je n'avais pas totalement saisi la porté de cette phrase, puisqu'il avait en réalité publié des recueils de poésie, et qu'il en avait laissé un plein de secrétaire dans sa maison de ville. Je fis promettre à ma grand mère de m'en ramener un la prochaine fois qu'elle nous rendrait visite.

Le débat se centrait donc sur un hommage sincère et exalté qui sortait de toutes les bouches, lorsque le frère de mon grand père fit soudainement apparition dans la conversation. Cette homme que je n'ai pas connu, avait laissé une image toute autre, celle d'un homme drôle, original, très « carpe diem », et aimant prendre des risques un peu démesurés. Bien que très intelligent lui aussi, il avait malgré tout laissé un goût amer de « pas raisonnable » dans la bouche de ma grand mère. Marié à sa jeune sœur, il était décédé dans un accident de voiture avant sa trentième année.

Entre ces deux hommes, lequel m'aurait le plus attiré ? La sagesse ou la folie ? Le rire ou la raison?

Je ne le sais malheureusement que trop bien.

Je me demande dans quelle mesure je me sens irrévocablement aimantée aux gens un peu « fous », «pas raisonnables ». Peut être parce que justement, le fait de connaître enfin l'existence de cet homme donc la personnalité m'était inconnue jusque là, m'explique en fait un trait de caractère plus profondément ancré.

Mais alors, l'hérédité est-elle responsable de ce qui nous constitue ? A partir de quelle mesure pouvons-nous nous construire nous même ?

Pardon pour cette article quelque peu indigeste. J'essayerai de faire plus léger la prochaine fois...


Yaël Naim - Toxic


1 commentaire:

Norma Jean a dit…

Comme c'est intéressant ces anecdotes sur ta famille! même après 10 ans de vie commune, je ne savais pas.
c'est génial de pouvoir récupérer des poèmes écrits par le grand père!
ps: pareil que toi: folie.