jeudi 23 février 2012

« Le rire est à l’homme ce que la bière est à la pression. »


« Rire ? Se soucie-t-on jamais de rire ? Je veux dire, vraiment rire, au delà de la plaisanterie, de la moquerie, du ridicule. Rire, jouissance immense et délicieuse, toute jouissance... »

« Je disais à ma soeur, ou elle me disais, tu viens, on joue à rire ? On s'allongeait côte à côte sur le lit, et on commençait. Pour faire semblant, bien sûr. Rire si ridicules qu'ils nous faisaient rire. Alors, il venait, le vrai rire le rire entier, nous emporter dans son déferlement immense. Rire éclatés, repris, bousculés, rires magnifiques, somptueux et fous... et nous riions à l'infini du rire de nos rires... Oh rire ! Rire de la jouissance, jouissance du rire; rire, c'est si profondément vivre. »

Au désir sexuel du mâle, voué aux instants fugaces de l'érection, donc fatalement fiancé à la violence, l'auteur oppose, en l'exaltant comme son antipode, la « jouissance » féminine, douce, omniprésente, et continue. Pour la femme, pour autant qu'elle n'est pas aliénée à sa propre essence, « manger, boire, uriner, déféquer, toucher, entendre, ou même être là », tout est jouissance. Cette énumération de voluptés s'étend à travers le livre comme une belle litanie. « vivre est heureux : voir, entendre, toucher, boire, manger, uriner, déféquer, se plonger dans l'eau et regarder le ciel, rire et pleurer. »
Et si le coït est beau, c'est parce qu'il est la totalité des « jouissances possibles de la vie : le toucher, le voir, l'entendre, le parler, le sentir, mais encore le boire, le manger, le déféquer, le connaître, le danser ».

[…]

En haut, telle la voute de ce temple de la volupté, éclate le rire, « transe délicieuse du bonheur, comble extrême de la jouissance. Rire de la jouissance, jouissance du rire ». Incontestablement, ce rire là est au delà de la plaisanterie, de la moquerie, du ridicule. Les deux sœurs allongées sur le lit ne rient de rien de précis, leur rire n'a pas d'objet, il est l'expression de l'être qui se réjouit d'être.


Le livre du rire et de l'oubli
Kundera

2 commentaires:

Sougil85 a dit…

Mais... Tu as repris du service on dirait !

Alors... Plutôt d'humeur Tolstoï ou Kundera ?

En tous cas, je suis assez d'accord avec toi : On écrit mieux quand on est triste...
Et...
On ne rit jamais assez...

Quand à l'apologie de la féminité... Que dire... Ah si ! Si j'étais une fille, je serais homo ! (Quelle meilleur preuve de mon hétérosexualité ?)

@++
Sousou - Tous jours las

Nyctalopia a dit…

Plutôt Kundera, en ce moment ;)
Moi si j'étais un mec... Je serais hétéro ! lol

(par contre, je crois que je serais con.)